Revenir en arrièrePour ou contre la prescription de médicaments dans le traitement de la maladie d’Alzheimer ?
Conseils et bonnes pratiques

Pour ou contre la prescription de médicaments dans le traitement de la maladie d’Alzheimer ?

LA XXXIème journée de l’Institut Universitaire de Gérontologie Yves Mémin s’est tenue le mardi 30 septembre 2025 à la Santé Sorbonne Université

Parmi les nombreux sujets de discussions, une question interpelle : faut-il encore prescrire des psychotropes dans les troubles du comportement chez la personne âgée ? Le professeur Joël Belmin et le docteur Olivier Drunat ont chacun défendu leur point de vue, offrant un débat riche et nuancé.

Dans cet article, vous trouverez des explications sur les psychotropes ainsi que les arguments avancés par les deux gériatres, pour ou contre leur prescription. 

I. Les psychotropes, qu’est-ce que c’est ?

II. Le point de vue du professeur Joël Belmin

III. Le point de vue du docteur Olivier Drunat

IV. Conclusion 

I. Les psychotropes, qu’est-ce que c’est ?

Un psychotrope est un médicament qui agit sur les mécanismes neurobiologiques du cerveau afin de traiter les troubles ou les dysfonctionnements de l'activité psychique. Il en existe quatre types : 

Les Neuroleptiques

Ce sont des médicaments utilisés pour traiter des troubles psychotiques (comportements très agités, schizophrénie, délires, hallucinations).

Les Anxiolytiques

Ils aident à réduire l’anxiété et le stress. C’est un traitement à court terme de l’anxiété sévère, des attaques de panique, de l’agitation ou de l’insomnie transitoire. 

Les Antidépresseurs

Ces médicaments servent à améliorer l’humeur et à lutter contre la dépression. Ils aident à retrouver de l’énergie et à se sentir plus positif au quotidien. C’est un traitement reconnu et efficace des états dépressifs majeurs et troubles anxieux (phobie sociale, TOC…). 

Les Thymorégulateurs 

Ils permettent de stabiliser l’humeur en cas de troubles bipolaires notamment. On les utilise quand l’humeur d’une personne change beaucoup, avec des phases très hautes (euphorie) et très basses (tristesse).

Le débat sur l’usage des psychotropes dans la maladie d’Alzheimer existe depuis plusieurs décennies. Aujourd’hui encore, c’est un sujet d’actualité qui divise les spécialistes. 

II. Le point de vue du professeur Joël Belmin

Joël Belmin a dénoncé avec conviction la prescription de psychotropes en cas de troubles cognitifs. Selon lui, les psychotropes n’ont pas d’indication reconnue et sont peu efficaces face à la maladie d’Alzheimer. 

Le plus inquiétant selon lui réside dans l’ensemble des effets indésirables néfastes de ces médicaments pour la santé du patient : effets extrapyramidaux (syndrôme parkinsonien, dystonies, dyskinésies tardives), sédation, aggravation des chutes, troubles de la mémoire, risque de dépendance et de sevrage, prise de poids, toxicité rénale et cardiaque, insomnies…

En quelques phrases, voici comment il résume symboliquement les effets indésirables des psychotropes : 

  • “Les neuroleptiques, c’est toxique !”
  • “Les anxiolytiques, c’est pas fantastique !”
  • “Les antidépresseurs, ce n’est pas meilleur !”
  • “Les thymorégulateurs, c’est un leurre !”
  • “Les psychotropes, c’est pas top !”

En pesant le pour et le contre de ces médicaments, la balance penche largement vers le négatif selon lui. C’est pourquoi il prône les approches non médicamenteuses dans le traitement des troubles du comportement associés aux maladies neuro cognitives. En voici les principales composantes : 

  • promouvoir un environnement physique contenant et apaisant
  • promouvoir un environnement humain bienveillant et rassurant
  • améliorer les relations, enrichir les interactions et atténuer les conflits
  • utiliser la méthode DICE : décrire, investiguer, créer, évaluer. Il s’agit de comprendre les troubles, puis de proposer des alternatives non médicamenteuses en réponse. 
  • lutter contre l’allongement inutile des ordonnances 

III. Le point de vue du docteur Olivier Drunat

En réponse à ces arguments, le docteur Olivier Drunat commence par une phrase choc : « J’affirme haut et fort que les psychotropes ne sont pas seulement utiles mais bénéfiques ».  

Il rappelle que les recommandations internationales et nationales imposent en premier lieu une approche non médicamenteuse dans le traitement des troubles du comportement. Mais quand ce n’est plus suffisant (notamment en cas de mise en danger), il affirme qu’un usage raisonné des psychotropes est justifié. 

Selon lui, l’utilisation ponctuelle de psychotropes est bénéfique. Cela permet une prévention des risques immédiats, un soulagement de la souffrance et une amélioration de la qualité de vie. 

Pour traiter un trouble du comportement, le docteur Drunat affirme la nécessité de mener en amont une enquête étiopathogénique : comprendre les symptômes, puis en déduire des solutions adaptées. Et parmi ces solutions figurent les psychotropes, notamment dans deux cas : l’anxiété et le délire, qui sont à l’origine de nombreux troubles du comportement. 

Les conditions de prescription d’un psychotrope sont strictes : elle doit nécessiter un consentement éclairé en amont, ainsi qu’une réévaluation régulière de l’indication et de la tolérance a posteriori. En aucun cas, le docteur Drunat ne prône la prescription de psychotropes “au cas où”. Les doses recommandées doivent être accompagnées d’un délai maximum d’utilisation. 

Afin de diminuer les effets indésirables, des précautions doivent être prises : 

  • privilégier les INM
  • utiliser des molécules connues et fréquemment prescrites
  • mener une surveillance clinique régulière (de l’état cognitif notamment)
  • prévoir une Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) si le traitement doit être prolongé 
  • prévoir l’arrêt et le sevrage dès le moment de la prescription

Prescrire des psychotropes dans certains cas, c’est reconnaître une réalité clinique et la dignité des patients. C’est aussi protéger les soignants et les proches. Bannir complètement les psychotropes revient selon ses mots à une forme de « non-assistance à la personne en danger ». 

En résumé, selon le docteur Drunat, ​​la prescription de psychotrope chez la personne âgée présentant des troubles cognitifs peut être justifiée lorsqu'elle est le soulagement d'une souffrance intense, la prévention d'un danger immédiat ou la réalisation de soins nécessaires à condition que :

  • Les causes réversibles ont été exclues
  • Les mesures éco-psycho-sociales ont été tentées et documentées
  • La décision est proportionnée, temporaire, consentie et réévaluée
  • Des mesures strictes de surveillance et de sortie du traitement sont prévues.

IV. Conclusion du débat 

Les gériatres ont tous les deux reconnu que les psychotropes sont parfois nécessaires, mais qu’il faut les prescrire avec une attention particulière. Le suivi du patient doit être strictement rigoureux, afin de réévaluer constamment l’intérêt du médicament et la pertinence de la prescription. 

Un grand merci à l’Institut Universitaire de Gérontologie Yves Mémin, aux intervenants, aux gériatres et à tous les participants pour cette journée riche en échanges enrichissants et débats stimulants. 

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Pour ou contre la prescription de médicaments dans le traitement de la maladie d’Alzheimer ?

20/10/25

LA XXXIème journée de l’Institut Universitaire de Gérontologie Yves Mémin s’est tenue le mardi 30 septembre 2025 à la Santé Sorbonne Université

Parmi les nombreux sujets de discussions, une question interpelle : faut-il encore prescrire des psychotropes dans les troubles du comportement chez la personne âgée ? Le professeur Joël Belmin et le docteur Olivier Drunat ont chacun défendu leur point de vue, offrant un débat riche et nuancé.

Dans cet article, vous trouverez des explications sur les psychotropes ainsi que les arguments avancés par les deux gériatres, pour ou contre leur prescription. 

I. Les psychotropes, qu’est-ce que c’est ?

II. Le point de vue du professeur Joël Belmin

III. Le point de vue du docteur Olivier Drunat

IV. Conclusion 

I. Les psychotropes, qu’est-ce que c’est ?

Un psychotrope est un médicament qui agit sur les mécanismes neurobiologiques du cerveau afin de traiter les troubles ou les dysfonctionnements de l'activité psychique. Il en existe quatre types : 

Les Neuroleptiques

Ce sont des médicaments utilisés pour traiter des troubles psychotiques (comportements très agités, schizophrénie, délires, hallucinations).

Les Anxiolytiques

Ils aident à réduire l’anxiété et le stress. C’est un traitement à court terme de l’anxiété sévère, des attaques de panique, de l’agitation ou de l’insomnie transitoire. 

Les Antidépresseurs

Ces médicaments servent à améliorer l’humeur et à lutter contre la dépression. Ils aident à retrouver de l’énergie et à se sentir plus positif au quotidien. C’est un traitement reconnu et efficace des états dépressifs majeurs et troubles anxieux (phobie sociale, TOC…). 

Les Thymorégulateurs 

Ils permettent de stabiliser l’humeur en cas de troubles bipolaires notamment. On les utilise quand l’humeur d’une personne change beaucoup, avec des phases très hautes (euphorie) et très basses (tristesse).

Le débat sur l’usage des psychotropes dans la maladie d’Alzheimer existe depuis plusieurs décennies. Aujourd’hui encore, c’est un sujet d’actualité qui divise les spécialistes. 

II. Le point de vue du professeur Joël Belmin

Joël Belmin a dénoncé avec conviction la prescription de psychotropes en cas de troubles cognitifs. Selon lui, les psychotropes n’ont pas d’indication reconnue et sont peu efficaces face à la maladie d’Alzheimer. 

Le plus inquiétant selon lui réside dans l’ensemble des effets indésirables néfastes de ces médicaments pour la santé du patient : effets extrapyramidaux (syndrôme parkinsonien, dystonies, dyskinésies tardives), sédation, aggravation des chutes, troubles de la mémoire, risque de dépendance et de sevrage, prise de poids, toxicité rénale et cardiaque, insomnies…

En quelques phrases, voici comment il résume symboliquement les effets indésirables des psychotropes : 

  • “Les neuroleptiques, c’est toxique !”
  • “Les anxiolytiques, c’est pas fantastique !”
  • “Les antidépresseurs, ce n’est pas meilleur !”
  • “Les thymorégulateurs, c’est un leurre !”
  • “Les psychotropes, c’est pas top !”

En pesant le pour et le contre de ces médicaments, la balance penche largement vers le négatif selon lui. C’est pourquoi il prône les approches non médicamenteuses dans le traitement des troubles du comportement associés aux maladies neuro cognitives. En voici les principales composantes : 

  • promouvoir un environnement physique contenant et apaisant
  • promouvoir un environnement humain bienveillant et rassurant
  • améliorer les relations, enrichir les interactions et atténuer les conflits
  • utiliser la méthode DICE : décrire, investiguer, créer, évaluer. Il s’agit de comprendre les troubles, puis de proposer des alternatives non médicamenteuses en réponse. 
  • lutter contre l’allongement inutile des ordonnances 

III. Le point de vue du docteur Olivier Drunat

En réponse à ces arguments, le docteur Olivier Drunat commence par une phrase choc : « J’affirme haut et fort que les psychotropes ne sont pas seulement utiles mais bénéfiques ».  

Il rappelle que les recommandations internationales et nationales imposent en premier lieu une approche non médicamenteuse dans le traitement des troubles du comportement. Mais quand ce n’est plus suffisant (notamment en cas de mise en danger), il affirme qu’un usage raisonné des psychotropes est justifié. 

Selon lui, l’utilisation ponctuelle de psychotropes est bénéfique. Cela permet une prévention des risques immédiats, un soulagement de la souffrance et une amélioration de la qualité de vie. 

Pour traiter un trouble du comportement, le docteur Drunat affirme la nécessité de mener en amont une enquête étiopathogénique : comprendre les symptômes, puis en déduire des solutions adaptées. Et parmi ces solutions figurent les psychotropes, notamment dans deux cas : l’anxiété et le délire, qui sont à l’origine de nombreux troubles du comportement. 

Les conditions de prescription d’un psychotrope sont strictes : elle doit nécessiter un consentement éclairé en amont, ainsi qu’une réévaluation régulière de l’indication et de la tolérance a posteriori. En aucun cas, le docteur Drunat ne prône la prescription de psychotropes “au cas où”. Les doses recommandées doivent être accompagnées d’un délai maximum d’utilisation. 

Afin de diminuer les effets indésirables, des précautions doivent être prises : 

  • privilégier les INM
  • utiliser des molécules connues et fréquemment prescrites
  • mener une surveillance clinique régulière (de l’état cognitif notamment)
  • prévoir une Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) si le traitement doit être prolongé 
  • prévoir l’arrêt et le sevrage dès le moment de la prescription

Prescrire des psychotropes dans certains cas, c’est reconnaître une réalité clinique et la dignité des patients. C’est aussi protéger les soignants et les proches. Bannir complètement les psychotropes revient selon ses mots à une forme de « non-assistance à la personne en danger ». 

En résumé, selon le docteur Drunat, ​​la prescription de psychotrope chez la personne âgée présentant des troubles cognitifs peut être justifiée lorsqu'elle est le soulagement d'une souffrance intense, la prévention d'un danger immédiat ou la réalisation de soins nécessaires à condition que :

  • Les causes réversibles ont été exclues
  • Les mesures éco-psycho-sociales ont été tentées et documentées
  • La décision est proportionnée, temporaire, consentie et réévaluée
  • Des mesures strictes de surveillance et de sortie du traitement sont prévues.

IV. Conclusion du débat 

Les gériatres ont tous les deux reconnu que les psychotropes sont parfois nécessaires, mais qu’il faut les prescrire avec une attention particulière. Le suivi du patient doit être strictement rigoureux, afin de réévaluer constamment l’intérêt du médicament et la pertinence de la prescription. 

Un grand merci à l’Institut Universitaire de Gérontologie Yves Mémin, aux intervenants, aux gériatres et à tous les participants pour cette journée riche en échanges enrichissants et débats stimulants. 

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